Aides techniques et handicap

Sur cette page je partage mon expérience concernant la recherche et l’utilisation d’aides techniques pour membre supérieur.

Quand on a un handicap, selon sa nature, les possibilités, et les éventuelles douleurs associées, on est amené à chercher des solutions techniques pour réaliser certaines tâches du quotidien et les extras comme le sport, une pratique artistique, le gaming, etc. Afin de situer ma démarche, je me permets de contextualiser ma situation en lien au handicap. Je suis née en 1980 avec une agénésie partielle du membre supérieur droit.

Se sont écoulées plus de trois décennies, de l’adaptation physique (sans aide technique ou médicale) et mentale un peu aussi parfois (il faut le reconnaître). J’ai travaillé principalement à plein temps, sans me poser de questions. Livreuse de pizza pour une certaine enseigne américaine, serveuse, assistante technique et autres jobs alimentaires, j’ai un peu fait comme si j’avais deux mains et dix doigts. Certes, en bricolant un peu et en cachant parfois, pour garantir mon embauche. Je faisais de la photographie aussi, et cette pratique a pris de l’importance dans ma vie. Par la suite, grâce à la poursuite de mes études, j’ai pu me professionnaliser. J’exerçai le métier de graphiste multimédia.

J’ai commencé à avoir de légères douleurs au membre supérieur gauche, de temps à autre, (ma main complète qui me sert pour tout, tout le temps) principalement au niveau du poignet, et du pouce, et des douleurs dans la partie droite du dos aux alentours des 33 ans. C’est ainsi qu’a commencé la recherche d’aides techniques.

Impression 3D d’après modèle avec adaptation morphologique

En 2013, l’imprimante 3D s’était démocratisé, la mutualisation de savoirs et d’expériences, mais également le partage de fichiers permettant la fabrication de différents objets en 3D. Parmi tous ces objets, sont apparues des prothèses de main mécanique, assez rudimentaires mais utiles ; surtout à défaut de rien de mieux de disponible selon ou l’on vit, les moyens, la prise en charge, etc.

Avec l’aide d’un ami de Buenos Aires et trois jeunes entrepreneurs argentins dont l’ingénieur Gino Tubaro, je reçois ma première prothèse imprimée en 3D. Cela a été un vrai moment d’émotion la première fois que j’ai pu la tester, puis par la suite l’utiliser ponctuellement.

Point faible du modèle utilisé dans mon cas : sollicitation excessive du poignet -> c’est en contractant le poignet vers l’avant, que je peux fermer la main et dois la maintenir dans cette position pour tenir l’objet.

Pour moi cela a constitué une expérience de partage citoyen et de démocratisation engageante d’aide technique avec l’aide des nouvelles technologies.

A l’âge de 38 ans, en exercice à temps plein en tant qu’enseignante contractuel en arts plastiques, l’état physique de ma main gauche s’est dégradé, au point d’avoir des douleurs invalidantes pour travailler dans des conditions décentes. Je suis obligée de m’arrêter de travailler temporairement.

La dictée vocale

A partir de ce moment, l’option dictée vocale sur mon smartphone est devenue une allier incontournable de mon quotidien. D’abord, cela m’a permis de continuer à communiquer facilement « par écrit », bien que l’on puisse envoyer des audios aussi dans certains cas. Puis je l’ai utilisé sur mon ordinateur.

Faire avec la communauté d’un Human Lab

Un peu contrainte, je me suis intéressée aux possibilités d’utilisation de ma main droite avec agénésie, afin de réaliser des tâches plus complexes. Je me suis fixée comme objectif la capacité de manger, me laver les dents, et me coiffer avec celle-ci, au moyen d’une aide technique, afin de soulager mon autre main. Dans ce contexte, j’ai identifié et sélectionné certaines tâches quotidiennes qui nécessitent le mouvement et la rotation de poignet, de la pression quand on découpe certaines choses etc. J’ai imaginé et griffonné vaguement un outil qui me permettrait de prendre en main une fourchette, une cuillère, une brosse à cheveux, et un stylo avec la main droite.

C’est en 2019 avec l’association My Human Kit, un Fablab* ou lieu de fabrication basée sur Rennes, que j’ai réalisé ma première aide technique totalement personnalisée, qui soit adaptée à mes possibilités et contraintes.

En effet, cette association qui se présente comme un Human Lab, propose la réalisation d’aides techniques pour et par des personnes en situation de handicap. Ces aides sont conçues et fabriquées grâce à la synergie de bénévoles aux compétences diverses, de fabmanagers, d’un plateau technique, et de l’esprit Maker et « Do it by Yourself* » (DIY) de son fondateur Nicolas Huchet et de ses collaborateurs.

*Fablab : Atelier ouvert au public, équipé d’outils de fabrication standards et numériques (découpe du bois et du métal, imprimante 3D, etc.), permettant à chacun, seul ou en groupe, de concevoir et réaliser des objets.

*Humanlab : C’est un lieu de sociabilité, d’entraide et de créativité dédié à la réalisation d’aides techniques aux handicaps.

Ces aides techniques sont accessibles, documentées, reproductibles et économiques.

Voici les aides techniques réalisées par les bénévoles de l’association, ainsi que le lien vers la documentation du projet :

https://wikilab.myhumankit.org/index.php?title=Projets_talk:Porte_outil_multifonction

Les aides techniques montrées à la suite en photo, sont fonctionnelles et utilisées, et des améliorations sont possibles.

Une prothèse myoélectrique

En parallèle, je suis rentrée dans un parcours de soin institutionnel adapté. J’ai eu par la suite, la possibilité de faire des essais avec une prothèse myoélectrique I Digit afin d’alléger ma main gauche, en donnant plus de possibilités d’actions à la main avec agénésie. Une nouvelle aventure a commencé, car c’est une technologie bien plus développée et complexe, avec d’autres possibilités, et contraintes également.

Le parcours de rééducation permet principalement d’apprendre à utiliser la prothèse myoélectrique et faire du renfort musculaire sur les parties sollicitées avec un.e ergothérapeute et un.e kinésithérapeute.

La thérapie miroir fait également partie du programme. Sur le lieu de rééducation, la technologie utilisée était le « Intensive Visueal Simulation ». C’est un programme informatique qui sollicite la plasticité cérébrale du patient. Il permet d’effectuer des mouvements du membre supérieur amputé ou agénésique en regardant un écran qui projette l’image inversée du membre valide, effectuant les mêmes mouvements. Pour cela, au préalable, un enregistrement vidéo d’une suite de mouvements est effectué avec la main et bras valide, puis est inversé, comme une image miroir. Cette rééducation neurologique m’a été très utile et opérante pour l’apprentissage de l’utilisation de la prothèse.

Fonctionnement de la prothèse IDigit :

L’utilisateur fait fonctionner la prothèse grâce à des électrodes apposés contre deux muscles différents, permettant ainsi d’effectuer les actions d’ouverture et de fermeture de la main prothétique. Ces électrodes sont intégrées dans l’emboiture et leur localisation est définie au préalable par la réalisation de tests musculaires.

La prothèse IDigit possède plusieurs modes de préhension programmés (type de prise manuelle) que le patient peut enregistrer. Pour changer de mode, on effectue une impulsion simple (du muscle), une triple impulsion, ou une impulsion longue.

Caractéristiques : le pouce se bouge manuellement, les autres doigts sont motorisés.

Gros hic : Les réglages « patient » de la prothèse se font via une application téléchargeable uniquement sur Iphone. Donc pas de I Phone, pas de réglages. Des réglages plus poussés sont accessibles par le prothésiste.

C’est un vrai privilège d’avoir pu accéder à cet aide technique qui m’est utile pour plusieurs tâches comme :

  • les courses
  • le bricolage
  • la cuisine
  • Étendre le linge
  • Dessiner à la craie sur un tableau :), etc.
Dessin réalisé avec la prothèse IDigit

Une troisième version

A ce jour, j’essaye la troisième version de la prothèse myoélectrique car les capacités et douleurs de mon poignet me permettent de supporter la prothèse qu’un temps limité du au poids de celle-ci. Afin de palier à cette contrainte, en concertation avec le prothésiste, nous avons choisi d’immobiliser le poignet avec une tige de carbone, changé de zone musculaire pour les électrodes, et fait remonter l’emboiture et les batteries. To be continued.